Les cours mondiaux du coton s'envolent et, face à cette hausse, c'est toute la filière du textile
et de l'habillement qui s'inquiète. Le mois dernier, la firme
américaine de jeans Levi's a prévenu ses clients : «Nous avons déjà
décidé d'augmenter les prix pour le second semestre de cette année.»
Une annonce qui ne ravira pas les consommateurs et qui pourrait en
précéder bien d'autres. Le fabricant suédois de vêtements H&M avoue
ainsi que «si les choses devaient perdurer de la sorte, cela devrait
conduire à des pressions inflationnistes».
Dans un premier
temps, ce sont surtout les marques d'entrée de gamme, dont les marges
sont les plus serrées, qui risquent de revoir leur politique de prix.
Dans le moyen et haut de gamme, la marge de manœuvre est plus
importante. Nicolas Dreyfus, directeur du développement chez The
Kooples, explique aussi que «les fournisseurs prendront à leur charge
une partie de l'augmentation du coût de la matière première du coton».
Et si David Leslie Freche, le directeur financier de Loft, dit ne pas
être «inquiet en raison du positionnement de la marque» , il est tout de
même préoccupé par «les tensions sur les marchés des matières
premières». Une analyse partagée par François-Marie Grau, le secrétaire
général français de la Fédération de la mode, qui ne cache pas son
inquiétude : «Pour le moment, les marques ont fait le choix de ne pas
répercuter les hausses sur de prix sur leurs produits. Mais jusqu'à
quand le pourront-elles ?»
Deux ou trois années encore difficiles
C'est
le mois dernier que le cours du coton a enclenché sa remontée brutale.
Il est passé de 73 cents mi-juillet à 83 cents la livre en août (une
balle de coton pèse 485 000 livres, soit 220 kg en moyenne, NDLR). La
valeur de la matière première vient d'atteindre un niveau record depuis
1995.
Ce sont les récentes catastrophes climatiques qui ont
ajouté à la nervosité du marché. Les terribles inondations au Pakistan
et les récents glissements de terrains en Chine ont détruit une part
importante de la production mondiale, dont ces deux pays représentent
40 %, selon le CyclOpe. Les intempéries ont fait chuter de 8 % la
production pakistanaise et de 10 % la chinoise. Conséquence : lorsque la
production de l'hémisphère Nord arrivera à maturité, en novembre
prochain, elle devrait être inférieure de 10 % à 15 % à la demande
anticipée. «70 % des récoltes américaines sont déjà vendues», ajoute un
trader. Les cours s'en ressentent déjà : certains redoutent une pénurie,
ou que l'offre soit insuffisante pour satisfaire les contrats en cours.
La situation risque d'être d'autant plus tendue que la production n'a
cessé de chuter depuis deux ans. En raison de la faiblesse des cours
lors des précédentes saisons, qui a incité des producteurs à se
reconvertir. Les surfaces cultivées ont baissé d'environ 25 % et «50 %
des opérateurs ont disparu en 2008», affirme même un trader.
Certaines
gammes de produits prévues chez les industriels du textile pourraient
bien ne pas voir le jour. Cela, pour protéger les stocks de fils. En
effet, «les réserves se sont érodées depuis quelques années», confie un
broker, spécialiste du secteur. La faute à une mauvaise anticipation des
événements. «Nous nous sommes trompés», avoue un producteur français.
Il manque 4 à 5 millions de balles de coton pour que les stocks soient à
l'équilibre. Fabricants et spécialistes du marché du coton s'accordent à
penser qu'il faudra deux voire trois années de production avant que le
marché perde un peu de sa nervosité.